Résumé
14 |15 | Si l'irruption d'Internet dans la vie politique est désormais aussi irrémédiable 16 | qu'évidente, ses effets ont à peine commencé à se faire sentir. 17 |
18 |19 | En France, et davantage encore aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, de nouvelles 20 | formes de gouvernance ouverte et de participation citoyenne apparaissent à tous les 21 | échelons du pouvoir, du local au national. De l'Open Data aux réseaux sociaux 22 | politiques, elles passent toutes par l’outil informatique. 23 |
24 |25 | Il ne s’agit que d’un début. La politique ne s’est pas encore approprié les systèmes 26 | de coproduction, tels l'Open Source ou Wikipedia. Ces outils collaboratifs recèlent 27 | d’immenses potentialités qui n’ont pas encore été libérées au profit de l’action 28 | citoyenne. 29 |
30 |31 | La présente note vise à déterminer les obstacles à lever pour que ce potentiel 32 | s'exprime. Après avoir dressé le bilan des expériences de participation citoyenne 33 | tentées en France, nous nous inspirons des systèmes collaboratifs ayant réussi dans 34 | d’autres domaines (encyclopédie, édition de logiciels et normes informatiques), afin 35 | d’en dégager les principes de fonctionnement. Certains de ces principes peuvent 36 | servir à imaginer les procédés de coproduction citoyenne qui, à terme, 37 | transformeront la vie politique. Il s’agit de la première pierre d'un travail plus 38 | vaste que nous espérons poursuivre collectivement, afin de mettre directement en 39 | pratique les possibilités offertes par Internet à la vie citoyenne. 40 |
41 |Introduction
44 |45 | La gouvernance ouverte 53 | — l'Open Government — se cherche. Plusieurs chantiers ont 54 | déjà été lancés pour en définir les modalités. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont 58 | ainsi entamé l'ouverture via Internet des données publiques (“Open Data”), 59 | entraînant derrière eux beaucoup d'autres administrations à divers niveaux de 60 | responsabilité. De même, le système des concours d'applications citoyennes, 61 | permettant aux structures gouvernantes de bénéficier, à moindre coût, de 62 | l'ingéniosité d'une vaste communauté de développeurs, se propage rapidement. Les 63 | voies de retour permettant aux citoyens la possibilité de signaler immédiatement et 64 | efficacement à leurs communes les problèmes qu'ils rencontrent, connaissent 65 | également un engouement grandissant. Le Président Obama, après une campagne ayant 66 | utilisé magistralement les technologies du Web, a fait de la gouvernance ouverte une 67 | des pierres angulaires de son mandat, ouvrant de multiples projets pour mieux 68 | impliquer les citoyens dans le fonctionnement de leur pays, à l’image de l'Open 69 | Government Brainstorm. 75 |
76 |77 | Ces développements ne sont pas des phénomènes isolés. Ils montrent que le Web permet 78 | aujourd’hui à des groupes indépendants, faiblement structurés et sans tutelle 79 | institutionnelle, de prendre en charge des projets de grande envergure sans 80 | rencontrer de barrières financières ou territoriales. Il était naturel que cette 81 | évolution de la société se retrouve au niveau politique. Nous n'en sommes cependant 82 | qu'aux balbutiements de cette transformation et beaucoup reste à faire pour évoluer 83 | vers une réelle coproduction citoyenne. 84 |
85 |86 | Qu'entendons-nous par “coproduction citoyenne” ? Il s’agit d’un service ou d’un 87 | contenu utile à la Cité et produit par les citoyens, qu’ils travaillent entre eux ou 88 | en lien direct avec une administration. Certaines formes de coproduction citoyenne, 89 | notamment associatives, existent depuis longtemps hors du Web et sont bien ancrées 90 | dans le tissu social. Mais l’ampleur de l’action, la simplicité de coordination des 91 | travaux et la capacité de diffusion qu’autorise Internet, rendent possible des 92 | coproductions d’un genre nouveau. Les processus de fabrication de l’information et 93 | de la norme politique peuvent aujourd’hui couvrir des usages précédemment hors 94 | d'atteinte, parce que limités par la nécessité de présence, la distance, ou le coût 95 | de la communication à grande échelle. 96 |
97 |98 | Un service comme Nos Députés 99 | de l'association Regards Citoyens, 100 | qui informe sur le 101 | travail des députés français (interventions, commissions, votes et présence), aurait 102 | auparavant nécessité un lourd travail manuel, et n'aurait été diffusé qu'à un nombre 103 | restreint de personnes. Aujourd'hui, il est numérisé et accessible à tous. Ce site 104 | étant le fruit du travail d'une petite communauté de citoyens passionnés, il s’agit 105 | bien là d’une coproduction citoyenne. 106 |
107 |108 | Mais ce type de réalisation n’est qu’un premier pas. Les projets existants en 109 | matière politique restent le plus souvent unidirectionnels plutôt que coopératifs : 110 | ils rendent simplement accessible une information cachée ou mal diffusée. Dans la 111 | mesure où ce travail de diffusion de données nécessite une connaissance relativement 112 | avancée des technologies du Web, il reste bien souvent limité. 113 |
114 |115 | Loin de la politique, il existe cependant des projets coproductifs qui ont fait 116 | leurs preuves. Wikipedia est un exemple parmi d’autres. Ces projets nous donnent des 117 | indices sur la manière de libérer les énergies de la coproduction citoyenne. Cette 118 | ambition se réalisera à condition d’imaginer de nouveaux moyens, qui permettent à 119 | des groupes de citoyens de collaborer entre eux et de devenir de réelles forces de 120 | proposition politique, capables de produire des textes complexes et structurés, 121 | allant jusqu'à la rédaction de propositions de loi. 122 |
123 |124 | Nous nous concentrerons ici sur l'aspect organisationnel de la coopération entre 125 | citoyens via Internet et non sur les technologies utilisées pour fournir des 126 | services citoyens. Nous traiterons dans un premier temps du fonctionnement et des 127 | limites des projets Web de coproduction citoyenne portés par deux partis politiques 128 | français, le Parti Socialiste et l’UMP. Nous nous intéresserons ensuite aux moyens 129 | de coproduction qui fonctionnent aujourd'hui avec succès, afin d'en tirer quelques 130 | enseignements et d'élaborer des propositions. 131 |
132 |Les partis et la coproduction politique
135 |136 | Les partis politiques sont les instances traditionnelles de l'organisation de la vie 137 | démocratique. Ils ont notamment pour fonction de coordonner l’action politique sur 138 | une zone géographique étendue, en rendant possible la communication entre plusieurs 139 | milliers de militants et en s'adressant à plusieurs millions d'électeurs. 140 |
141 |142 | Ce rôle est aujourd’hui en train d’évoluer du fait de la généralisation progressive 143 | des outils sociaux fonctionnant via Internet, depuis les listes de diffusion 144 | électronique, dans les années 1970, jusqu'à Twitter aujourd’hui. Levant nombre 145 | d’obstacles à la communication et à la coordination, ils peuvent concurrencer comme 146 | servir les mouvements politiques. 147 |
148 |149 | S'il n'y a pas lieu de parler de disparition des partis politiques — ne serait-ce 150 | que du fait de leurs capacités logistiques de campagne — ces nouvelles pratiques 151 | constituent des modalités de proposition et d’action politique inédites et 152 | pourraient par là conduire à la réorganisation de la vie démocratique. Il s’agit de 153 | distinguer quels éléments de cette réorganisation seront appelés à s'opérer à 154 | l'intérieur des partis et lesquels trouveront plus facilement leur place 155 | indépendamment de ceux-ci. Les nouveaux outils participatifs permettent ainsi la 156 | création de groupes dont l'intérêt pour la politique est réel mais dont la 157 | participation à la vie politique traditionnelle demeure largement latente. Ils ont 158 | en conséquence deux effets principaux sur la vie politique. 159 |
160 |161 | Si ces outils éliminent le contrôle des partis sur la communication et la 162 | coopération politique, ils facilitent celle-ci au sein même des structures 163 | partisanes existantes. Les partis ont ainsi les moyens de mobiliser bien plus 164 | efficacement le grand nombre de leurs sympathisants et de leurs militants inactifs. 167 | A cet égard, Internet a joué un rôle majeur dans la victoire de Barack Obama aux 168 | dernières présidentielles américaines. Cet exemple reste toutefois une exception et 169 | les outils utilisés par les partis méritent encore d’être perfectionnés. 170 |
171 |172 | Le Web a un deuxième effet sur la vie politique : il permet d’attirer un public qui 173 | se méfie de l’alignement idéologique, réel ou perçu, qui peut caractériser le 174 | militantisme partisan. A l’inverse, la coproduction citoyenne se donne pour seul 175 | objectif le rassemblement des individus autour d’un seul et même sujet et non 176 | l’adhésion à une vision globale de la société. Le coût de création et de 177 | coordination d'un groupe sur le Web est d’ailleurs tellement faible qu'il est 178 | possible de mettre sur pied une myriade de structures traitant de sujets extrêmement 179 | précis et dont le faisceau de proposition est extrêmement étroit. Cette souplesse 180 | permet d’atteindre un plus grand nombre de citoyens, qui peuvent désormais se 181 | mobiliser sans se convertir à une doctrine partisane. L'alignement idéologique, qui 182 | constitue pour certains une barrière à l’action au sein d’un mouvement, cesse dès 183 | lors d'être un problème. S'il peut être tentant de voir dans ces nouvelles tendances 184 | un délitement du tissu politique tel que nous l'avons jusqu'à présent connu, on peut 185 | considérer qu’il s’agit d’une nouvelle forme d’engagement civique, qu’il faut doter 186 | des moyens de fonder une réelle force de proposition citoyenne. 187 |
188 |189 | Il existe dans le paysage politique français plusieurs sites, principalement créés 190 | par les partis politiques, qui s'appliquent à explorer le territoire nouveau du Web 191 | et à investir l'espace des pratiques politiques à venir de la “Génération 2.0”. 192 |
193 |194 | Ces sites comportent généralement deux dimensions. Ils proposent ainsi un réseau 195 | social, constitué autour d'un parti ou d'une famille politique et l’assortissent 196 | d’un espace où les « citoyens » peuvent formuler des propositions ouvertes sur les 197 | sujets de leurs choix. Plutôt que de passer en revue l’ensemble de ces plateformes 198 | citoyennes, nous nous limiterons à l’analyse de deux sites représentatifs : La CooPol 199 | ou “Coopérative Politique” et Les Créateurs de Possibles, que nous nommerons 203 | ci-après “CDP”. Il est important de noter que dans le paysage politique français, un 204 | parti nouveau se développe autour d’idées tirées de la gouvernance ouverte et de la 205 | coproduction citoyenne : Europe Écologie. Il est trop tôt pour en analyser le 206 | fonctionnement qui s’affine encore, mais il sera utile à qui s’intéresse à ce sujet 207 | de se tenir au courant des évolutions de ce projet. Un rapide survol nous permettra 208 | d’aborder leur fonctionnement, leurs atouts respectifs, et les points qu’ils doivent 209 | améliorer pour développer la coproduction citoyenne. 210 |
211 |La CooPol
213 |
214 | L'objectif de la CooPol est simple : offrir à tous ceux qui veulent débattre et
215 | agir à gauche
” un réseau social, ainsi qu’une nouvelle génération d'outils
216 | d’organisation et de mobilisation politiques pour échanger en ligne et agir sur le
217 | terrain.
218 |
220 | Le site compte différents niveaux d’accès à l’information. Si l'inscription est
221 | ouverte à tous, militants du Parti Socialiste et simples sympathisants n’ont pas
222 | accès au même contenu. Les fonctions disponibles à tous en font un site social
223 | classique : amis (ou coopains
), groupes, fil d'information sur ses amis,
224 | messages, blog, évènements. Il est même possible de rejoindre des sections
225 | virtuelles du PS. Les militants et sympathisants y trouvent des moyens performants
226 | d'auto-organisation, qui rendent plus flexible la logistique de campagne. La
227 | Coopol facilite par ailleurs les contributions de militants moins engagés.
228 |
230 | Les fonctions les plus innovantes du site sont cependant principalement 231 | accessibles qu'aux militants. Par exemple, durant les régionales de 2010, le 232 | fichier des abstentionnistes a été cartographié pour permettre aux membres du PS 233 | de déterminer les zones géographiques où ils devaient déployer leur action et 234 | convaincre un maximum d’électeurs de se déplacer. Ainsi, bien que la page 235 | d'accueil mentionne la coproduction, l'outillage afférent proposé n'en est encore 236 | qu'à ses débuts et devra évoluer avant de permettre une collaboration sur 237 | l'élaboration de propositions complexes. 238 |
239 |240 | En définitive, la CooPol, dans son état actuel, est pour le moment peut-être mal 241 | nommée. Ce n'est pas encore tant une coopérative politique au sens d'un organisme 242 | coopératif produisant des solutions, qu'une modernisation du Parti Socialiste. 243 | Celle-ci permet de mieux coordonner militants et sympathisants dans une optique de 244 | logistique de campagne plus flexible grâce à de meilleurs moyens d’organisation. 245 | Cette évolution des partis n'est pas concurrente à l'idée d'une coproduction 246 | citoyenne mais peut au contraire se révéler son complément en période de campagne. 247 |
248 |Les Créateurs de Possibles
251 |
252 | Les Créateurs de Possibles est un site édité par l'Union pour un Mouvement
253 | Populaire (UMP), qui se présente comme un réseau citoyen
permettant à chacun de
254 | passer à l'action
, sans requérir, en théorie, une quelconque affiliation
255 | politique. A l’instar de la Coopol, il propose les fonctions classiques des sites
256 | sociaux : amis, messages, ou encore organisation d'évènements.
257 |
259 | Une application majeure régit le site : les initiatives
, permettent de rédiger
260 | une proposition politique. Chacune d’elles se compose d’un titre, d’une photo ou
261 | d’une vidéo et d’un texte de 600 caractères maximum. Une fois l’initiative créée,
262 | il est possible d'y inviter ses contacts personnels ou d’autres membres des CDP,
263 | qui peuvent la rejoindre ou témoigner de son utilité. Une option permet par
264 | ailleurs d’envoyer une lettre à un responsable politique
pour lui expliquer
265 | l'importance de la proposition. Divers outils sont enfin disponibles pour
266 | organiser la vie de l'initiative en dehors du site : ils permettent notamment
267 | d’organiser des porte-à-porte, des diffusions de tracts, des séries d'appels
268 | téléphoniques, ou encore une réunion autour du sujet.
269 |
271 | Deux aspects du site et de son application posent cependant problème. La nature du
272 | lien avec l’UMP est floue : il est difficile de savoir si les citoyens en action
273 | qui sont à l’origine des initiatives sont appelés à être proches de l'UMP. Cette
274 | confusion tend à limiter à la fois les contributions émanant de participants ne
275 | souhaitant pas être affiliés à ce parti, mais également celles des sympathisants
276 | de l'UMP, qui ignorent l’orientation qu’ils doivent donner à leurs propositions.
277 | D'autre part, les limitations strictes de contenu imposées par le format des
278 | initiatives - 600 signes correspondant à un bref paragraphe - empêchent
279 | l'élaboration de propositions complexes. Une fois le texte rédigé, il est par
280 | ailleurs impossible, même pour son initiateur, de le modifier. Ceci exclut toute
281 | possibilité de faire évoluer l’initiative en fonction des réactions d'autres
282 | utilisateurs et les dissuadent donc de débattre.
283 |
285 | Si le principe des initiatives
n'est pas nécessairement mauvais, leur forme
286 | gagnerait à évoluer. Elles pourraient ainsi se détacher complètement de toute
287 | dimension partisane et s’inscrire, par exemple, dans un contexte local ou à
288 | l’échelon territorial le plus réduit. Un tel outil permettrait ainsi de faire
289 | remonter des doléances municipales, par le biais d’un service de type Open311.
297 |
Les limites respectives des deux sites
301 |
302 | Comme l'explique le spécialiste des effets sociaux et économiques de l'Internet
303 | Clay Shirky dans Here Comes Everybody, les outils sociaux ne créent pas l'action
304 | collective — ils ne font qu'éliminer les obstacles qui l'empêchent
(Social
305 | tools don’t create collective action — they merely remove the obstacles to it.
).
306 | Si aucune des offres existantes n'a libéré la coproduction citoyenne, c'est donc
307 | qu'elles n'ont pas su éliminer ces obstacles. En effet, pour qu'un appareil social
308 | fonctionne, il faut qu'il fasse ses preuves dans deux domaines :
309 |
Le contrat
312 |313 | L’utilisateur opère un arbitrage rationnel, avant de choisir le ou les sites, 314 | auxquels il va sacrifier une part de son temps. Il doit donc pouvoir établir 315 | clairement ce à quoi le service et lui-même s'engagent mutuellement, et les 316 | bénéfices qu’ils tireront respectivement de cette interaction. 317 |
318 |319 | La réussite du contrat implique ainsi que l'utilisateur obtienne une 320 | gratification en échange de son engagement, et qu'il ait la certitude que ses 321 | contributions ne seront pas utilisées à des fins qu'il ne cautionne pas. Ce 322 | dernier doit enfin avoir la conviction qu'il ne sera pas le seul à participer au 323 | site, ce qui, à ses yeux, priverait le site de toute dimension sociale. 324 |
325 |326 | Dans le cas des Créateurs de Possibles, le contrat n'est pas très clair. Un 327 | utilisateur désireux d’apporter sa contribution au site, mais ne se 328 | reconnaissant pas dans l'UMP, se montrera méfiant, craignant une récupération 329 | abusive de ses interventions. Si le contrat proposé par la Coopol est plus 330 | lisible, le site affichant ses liens forts avec le Parti Socialiste, il peut 331 | rebuter les citoyens souhaitant se tenir à l’écart du militantisme. Dans les 332 | deux cas, l’espace laissée aux contributions originales de citoyens indépendants 333 | est trop rare. 334 |
335 |L'outillage
338 |339 | Il s’agit de l'ensemble des moyens techniques permettant à la communauté de se 340 | coordonner. Un outillage performant est censé offrir une certaine facilité 341 | d’utilisation, en comparaison avec les autres outils permettant d’accomplir la 342 | même tâche. En d’autres termes, il doit permettre des actions précédemment 343 | impossibles ou simplifier des actions possibles. 344 |
345 |346 | En matière d'outillage, les projets du PS et de l’UMP ont été essentiellement 347 | bâtis sur le modèle des réseaux sociaux, qui ont fait la preuve de leur grande 348 | capacité mobilisatrice. Mais ces sites ne permettent pas, en leurs états 349 | actuels, de faire émerger une véritable coproduction citoyenne, leur outillage 350 | étant trop restrictif. Pourtant, les systèmes de coproduction réussis existent. 351 | Leur analyse permettra d’y déceler les éléments qui pourraient s'appliquer au 352 | domaine politique. 353 |
354 |Les systèmes de coproduction existants
359 |360 | Au cours de ces dernières décennies, plusieurs systèmes de coproduction, hors de la 361 | sphère politique, se sont développés dans le sillage de la démocratisation 362 | progressive d'Internet. Ces systèmes ont en commun leur ouverture, laquelle se 363 | retrouve dans leurs noms : “Open Source ”, “Open Content ”, “Open Standards ”, et les 364 | nouveaux venus qui se définissent progressivement “Open Data ” et “Open Government”. 365 | Leur fonctionnement étant propre à chacun d’eux, nous analyserons séparément les 366 | trois premiers afin d'essayer d'en extraire les aspects essentiels. 367 |
368 |Le mouvement Open Source
370 |371 | Le label “Open Source” est attribué aux logiciels dont la licence d'utilisation 372 | répond à un nombre de critères bien spécifiques. Parmi ces critères figurent 373 | l’accès libre au code source, la redistribution libre et le droit de modification 378 | qui autorise la production de versions dérivées du logiciel. Nous nous 379 | intéresserons ici non aux logiciels “Open Source” eux-mêmes mais à leur processus 380 | de production. 381 |
382 |383 | Même si l’appellation ne contraint en rien ce processus, qui peut considérablement 384 | varier d’un logiciel à l’autre, il est néanmoins possible de décrire succinctement 385 | le fonctionnement d'un projet Open Source relativement caractéristique. A 386 | l’origine du projet, un programmeur produit une première version d'un logiciel, 387 | puis en publie le code source au bénéfice de tous. Si son projet suscite l'intérêt 388 | d'autres informaticiens, ils le rejoindront dans le but de faire évoluer ce 389 | logiciel. Cette communauté s'organise généralement autour de deux outils 390 | principaux : d'une part, une liste de discussion par email permettant au groupe de 391 | coordonner ses actions et de résoudre les problèmes rencontrés lors du 392 | développement ; d'autre part, un serveur sur lequel réside le code source et qui 393 | permet à chaque participant de le modifier progressivement et de façon cohérente. 394 |
395 |396 | Les communautés de programmeurs sont rarement fortement hiérarchisées, même 397 | lorsqu’elles œuvrent à des projets de grande envergure. Le plus souvent, les 398 | membres travaillent sur un pied d’égalité, une voix prépondérante étant cependant 399 | accordée à l'initiateur du projet. On parle dans ce cas de “dictateur 400 | bienveillant”. 401 |
402 |403 | Le contrat tacite est simple : chacun améliore un produit à l’usage de tous, et la 404 | licence garantit que nul ne pourra se l'approprier en privant les autres 405 | participants de leurs contributions. En plus de la contrepartie d’obtenir un 406 | meilleur programme pour soi comme pour les autres, chaque développeur bénéficie 407 | aussi de l’opportunité d’asseoir sa réputation et d’apprendre de nouvelles 408 | techniques au travers des échanges qui mènent le projet. Ce contrat et ces 409 | avantages sont aujourd’hui si bien ancrés dans la culture informatique que la 410 | plupart des programmeurs contribuent aux projets Open Source le plus naturellement 411 | du monde. 412 |
413 |414 | La transposition des procédés classiques de l’Open Source à la coproduction 415 | citoyenne est-elle possible ? Que faut-il en retenir ? Si l'outillage technique 416 | est trop spécifique au développement de logiciels pour pouvoir être utilisé tel 417 | quel dans un cadre politique, les principes du contrat unissant les contributeurs 418 | n’en sont pas moins intéressants. La garantie de propriété collective des 419 | contributions individuelles ainsi que la pleine liberté de transformation et de 420 | retransmission de l’oeuvre commune sont autant de règles à conserver pour la 421 | coproduction citoyenne. 422 |
423 |Wikipedia et l'approche Open Content
426 |427 | L’utilisateur novice qui navigue sur Wikipedia pourrait s’imaginer que les 428 | articles qu’il consulte constituent la majeure partie du site et qu’en cliquant 429 | sur “modifier”, il accède au niveau le plus avancé et le plus profond du système. 430 | Ces impressions sont fausses. L’essentiel de la matière de Wikipedia se trouve en 431 | réalité dans les pages administratives, qui soutiennent la création de contenu, en 432 | particulier dans les pages qui servent aux contributeurs à discuter entre eux des 433 | articles. 434 |
435 |436 | Comment fonctionne ce système ? La rédaction d'articles Wikipedia obéit à une 437 | procédure subtile de consensus à plusieurs niveaux. Au niveau le plus simple, 438 | après qu’un contributeur a créé son article, d’autres viennent l'enrichir et le 439 | corriger progressivement, sans qu’aucune coordination entre les différentes 440 | interventions soit nécessaire. Ce cas de figure correspond au consensus implicite : le silence et l’inaction des autres utilisateurs vaut consentement et l’article 441 | demeure tel quel. 442 |
443 |444 | Lorsque deux rédacteurs, ou davantage, s’opposent concernant le contenu d'un 445 | article, il leur appartient de résoudre leur désaccord en utilisant une page de 446 | discussion prévue à cet effet. Si la négociation est libre, un ensemble de règles 447 | et de recommandations doit les aider à parvenir à un accord. L'ensemble de ces 448 | normes, qu’il s’agisse de simple étiquette (ou “Wikiquette”), ou de principes 449 | fondamentaux, serait trop long à détailler ici. Comme le contenu du site, elles 450 | sont d’ailleurs en constante évolution. Deux valeurs sont néanmoins invoqués plus 451 | fréquemment que les autres : l'adoption d'un point de vue neutre, qui implique une 452 | rédaction juste, proportionnée et non biaisée, et la vérifiabilité de 453 | l'information fournie. Sur cette base, beaucoup de désaccords sont réglés 454 | directement par les parties concernées. 455 |
456 |457 | Il est important de noter que ces discussions se déroulent et sont archivées 458 | publiquement. Tout nouvel arrivant peut ainsi comprendre le processus qui a 459 | conduit au consensus autour de chaque article. Le principe de transparence 460 | s’applique ainsi tant au produit qu’à la production. Cette traçabilité du résultat 461 | permet de remonter le chemin qui a conduit l’article à son état final et de 462 | déceler des erreurs factuelles. L’historique des discussions évite par ailleurs 463 | leur répétition stérile. 464 |
465 |466 | Dans le cas où les éditeurs ne parviennent pas à s'entendre, ils disposent de 467 | plusieurs moyens. Dans un premier temps, ils peuvent ouvrir la discussion. Il est 468 | ainsi courant, en cas de litige, d’impliquer un tiers ou un comité de tiers 469 | communément accepté comme neutre, qui serviront de médiateurs. La discussion peut 470 | également s’ouvrir à une plus large participation communautaire, afin de 471 | bénéficier d'autres points de vue. En dernier recours, si toutes les tentatives de 472 | conciliation ont échoué, il est possible d'avoir recours au Comité d'Arbitrage qui 473 | tranchera définitivement. Le comité est composé d'un petit nombre d'utilisateurs 474 | reconnus pour leur expérience et leur objectivité. Ce type de recours reste 475 | cependant exceptionnel — s'il était fréquent, le système se trouverait en 476 | faillite. 477 |
478 |479 | Le projet Wikipedia peut donc être perçu comme une vaste administration 480 | participative capable par consensus de produire un contenu souvent complexe et de 481 | qualité. Il n’est pas étonnant que les communautés s'intéressant à la gouvernance 482 | ouverte y fassent régulièrement référence. Il constitue un modèle du genre dont il 483 | convient de s’inspirer pour imaginer la coproduction citoyenne. 484 |
485 |486 | Avant de transposer Wikipedia à la politique, il faut toutefois remarquer qu’il 487 | permet uniquement la création de contenus encyclopédiques, largement descriptifs. 488 | On peut légitimement se demander si son fonctionnement s’appliquerait à la 489 | création de solutions politiques devant aboutir sur des décisions concrètes et 490 | détaillées, ou à la production de normes publiques pouvant aller jusqu’à la 491 | proposition de loi. 492 |
493 |494 | En effet, décrire est plus simple que de créer des solutions concrètes. Les deux 495 | valeurs cardinales qui fondent le consensus de Wikipedia, la neutralité du point 496 | de vue et la vérifiabilité de l'information, s’appliquent difficilement au domaine 497 | politique. Si l’on peut imaginer une coopération politique via Internet dégagée 498 | des partis, l’absence de « parti pris » est quant à elle plus difficile à 499 | concevoir. La neutralité est difficile à imaginer dès lors qu’il s’agit d’élaborer 500 | des solutions et de s’attaquer à des problèmes impliquant des intérêts et des 501 | points de vue divergents. Par ailleurs, s’il est nécessaire d’apporter une 502 | solution à un problème donné, il est rarement possible de pouvoir vérifier a 503 | priori sa réalité pratique. 504 |
505 |506 | Sans perdre de vue les avantages réels du modèle Wikipedia, nous analyserons un 507 | troisième système de production coopérative dont le but — bâtir un consensus 508 | autour d'une solution nouvelle à un problème collectivement constaté — est plus 509 | proche du domaine politique : la normalisation ouverte. 510 |
511 |La normalisation ouverte : W3C et IETF
514 |515 | L’objet de la normalisation est de palier à l’absence de convention autour d’un 516 | domaine particulier lorsque celle-ci crée plus de problèmes qu'il n'y a 517 | d'avantages à laisser chaque acteur apporter sa propre solution. Il s’agit donc 518 | pour un groupe d’acteurs intervenant dans un domaine spécifique d’aligner leurs 519 | pratiques pour consolider leurs innovations et assurer la stabilité nécessaire à 520 | la création d’un écosystème. Nous traitons ici d’organismes agissant dans des 521 | domaines technologiques car ils ont mis en place les procédés qui nous 522 | intéressent, mais la normalisation ne se limite pas aux TICs. 523 |
524 |525 | La normalisation est un vaste domaine : il existe des normes pour presque tout, 526 | utilisées presque partout, et rares sont les sujets ou les activités qui ne soient 527 | traités par un organisme de normalisation. S'ils ont en commun de produire des 528 | documents souvent complexes, techniques, et précis, les organismes de 529 | normalisation se révèlent extrêmement variés dans leurs modes de fonctionnement. 530 | On distingue ainsi les organismes publics, nationaux ou issus de traités 531 | internationaux, des groupements privés de sociétés ou de personnes ; d’aucuns 532 | obéissent à des valeurs spécifiques qu'ils entendent mettre en œuvre à travers 533 | leur production, d'autres acceptent de révéler tout ce que leurs membres décident 534 | de publier ; d’aucuns travaillent à la lumière du jour, d'autres dans le plus grand 535 | secret ; d’aucuns prennent leurs décisions par voie électorale, d'autres par 536 | consensus, d'autres encore ont des niveaux de participation prédéfinis pour 537 | diverses classes de membres et réservent à un bureau dirigeant le pouvoir de 538 | décision. La normalisation se dit ouverte quand elle répond à certains critères de 539 | participation libre, accessible à tous, et de gratuité et de mise à disposition 540 | des normes produites. 541 |
542 |Les organismes de normalisation ouverte
544 |545 | Faute d’espace et par souci de clarté, nous ne traiterons pas ici de tous les 546 | types d’organismes de normalisation mais uniquement des méthodes déployées dans 547 | le cadre de la normalisation “ouverte”. Celle-ci a pour principal objectif 548 | l’intervention d’une vaste communauté de participants, travaillant en public, et 549 | résolvant leurs désaccords par voie de consensus. Afin de mettre en lumière les 550 | méthodes de fonctionnement de la normalisation ouverte, nous fonderons notre 551 | analyse sur l’exemple de deux organismes aux propriétés différentes : l’IETF et 552 | le W3C. 553 |
554 |-
555 |
- IETF (Internet Engineering Task Force) 556 |
-
557 |
558 | L'IETF 559 | travaille sur les différents standards propres au réseau Internet, 560 | comme par exemple le protocole TCP/IP, qui sous-tend les communications du 566 | réseau. Cet organisme œuvre également à l’élaboration des normes qui, 567 | rassemblées, régissent le fonctionnement de l'email, ou le HTTP qui permet 568 | la transmission des données sur le Web, et bien d'autres technologies moins 569 | connues du grand public. 570 |
571 |572 | L’IETF est intégralement composée de volontaires, dont le travail est 573 | parfois financé par leurs employeurs. Fondé en 1986 sous l'égide du 574 | gouvernement américain dont il est aujourd’hui affranchie, il compte 575 | aujourd'hui parmi les différentes branches de l'Internet Society, 576 | organisation indépendante à but non-lucratif qui cherche à promouvoir le 577 | développement de l'Internet sous toutes ses formes et gère l'Internet 578 | Governance Forum. 579 |
580 |
581 | - W3C (World Wide Web Consortium) 582 |
-
583 |
584 | Le W3C 585 | travaille quant à lui à définir les normes propres au Web, tel HTML, 586 | le langage principal des pages ou encore HTTP, le protocole qui permet aux 587 | navigateurs d'obtenir les informations désirées, et bien d'autres 588 | technologies (CSS, SVG, PNG, DOM, XML, etc.) utilisées à chaque instant par 589 | plusieurs milliards de personnes, le plus souvent à leur insu. Son mode de 590 | fonctionnement offre lui aussi un bon exemple de coproduction réussie. 591 |
592 |593 | A la différence de l’IETF, le W3C se compose surtout de membres payants, 594 | pour la plupart des sociétés privées, lesquels en partagent l’orientation 595 | avec le directeur de l’organisme (aujourd’hui Tim Berners-Lee, inventeur du 596 | Web). Leurs cotisations servent à financer une équipe de professionnels de 597 | la normalisation qui aident les groupes travaillant sur diverses normes à 598 | produire des documents de meilleure qualité, si possible relativement 599 | rapidement. A ces membres payants se joignent un grand nombre de 600 | volontaires, les principaux groupes actifs de l’organisme étant aujourd'hui 601 | ouverts au public. 602 |
603 |604 | Ce partenariat entre industriels et communauté de volontaires est rendu 605 | possible par le partage d’intérêts bien compris. Les industriels bénéficient 606 | de l’expérience partagée d’un grand ensemble de participants qui décèlent et 607 | corrigent les imperfections des normes en développement et trouvent des 608 | solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. La communauté, quant à elle, 609 | sait que son travail produira, à terme, des normes adaptées aux valeurs 610 | d’ouverture du W3C : accessibilité à tous indépendamment du handicap, 611 | gratuité des technologies, fonctionnement dans toutes les langues et pour 612 | toutes les cultures, ou encore indépendance vis-à-vis de tout éditeur 613 | logiciel particulier ou de toute plateforme spécifique. 614 |
615 |
616 |
Comment la normalisation ouverte fonctionne-t-elle ?
620 |621 | Le processus de création des normes au sein des deux organismes présente un 622 | intérêt pour comprendre le fonctionnement de la coproduction assistée par 623 | Internet. 624 |
625 |626 | Dans les grandes lignes, la procédure de création d’une norme est relativement 627 | simple. Le premier jet d’une « spécification » est rédigé, puis ses problèmes 631 | sont mis en lumière par la communauté, leur résolution menant à la rédaction 632 | d'une nouvelle version. Ce processus se répète jusqu'à l'obtention d'une 633 | spécification dont les fonctions et la qualité font consensus. 634 |
635 |636 | Dans la pratique, comme l'explique clairement le document décrivant 637 | l'organisation de la normalisation à l'IETF (The Internet Standards Process), 640 | ce processus est rendu complexe par : 641 |
642 |643 |650 |644 |
649 |- la difficulté de création de spécifications de haute qualité technique ;
645 |- la nécessité de prendre en compte les intérêts de toutes les parties concernées ;
646 |- l'importance d'établir un vaste consensus au sein de la communauté ;
647 |- la difficulté à évaluer l'utilité d'une spécification pour la communauté Internet.
648 |
651 | Le travail peut s’organiser de différentes manières : soit un groupe de travail 652 | spécifique à ce problème est créé, soit un groupe suffisamment proche existe et 653 | voit sa portée étendue. Une liste de discussion par email ouverte au public est 654 | créée, ainsi qu’un espace de publication, sur lequel le groupe pourra mettre en 655 | ligne ses brouillons, sa spécification finale, ainsi que tout autre document 656 | qu'il jugera utile de publier. 657 |
658 |Comment se distribue le pouvoir en normalisation ouverte ?
661 |662 | Si tous les participants sont égaux, leur travail se structure généralement 663 | autour de certaines figures, qui permettent une meilleure organisation du 664 | travail : 665 |
666 |-
667 |
- Le représentant de l'organisme (Team Contact) 668 |
-
669 |
670 | Si cette fonction n'est pas attribuée dans tous les organismes de 671 | normalisation ouverte, ses contributions sont très appréciées. Il s’agit 672 | d’une personne mandatée par l'organisme hôte du groupe et chargée de 673 | vérifier que le travail se déroule selon les règles de fonctionnement ainsi 674 | que de fournir un soutien technique et logistique. 675 |
676 |
677 | - L'éditeur 678 |
-
679 |
680 | L'éditeur rédige la spécification selon le consensus du groupe. Une fois 681 | résolus l’ensemble des points de débat, il construit le document, en se 682 | fondant le plus souvent sur les propositions d’un certain nombre de 683 | participants, et veille à maintenir son intégrité. 684 |
685 |686 | Cette fonction se révèle d’une grande utilité : plutôt que de laisser tous 687 | les participants modifier directement le document, la présence d’un éditeur 688 | permet généralement de garantir une plus grande cohérence dans la rédaction. 689 | Cette organisation du travail peut sembler s’opposer à celle qui a cours en 690 | “Open Content”, par exemple dans la fabrication du contenu Wikipedia. Dans 691 | la pratique, cette différence est mineure. En effet, si un article Wikipedia 692 | peut compter plusieurs centaines de contributeurs, la plupart du temps, la 693 | majorité du travail est effectuée par un petit nombre d'intervenants. 694 |
695 |
696 | - Le médiateur/animateur/directeur du groupe (Chair) 697 |
-
698 |
699 | Il anime les débats, coordonne l'agenda, applique les règles de 700 | fonctionnement, et s'assure par tous les moyens de l'élaboration d'un 701 | consensus au sein du groupe. Il ne dispose d'aucun pouvoir particulier lui 702 | permettant de forcer les participants à agir dans une direction donnée et 703 | son influence sur les décisions n'est pas plus importante que celle d'un 704 | autre participant. Il joue le rôle de l’autorité morale respectée de tous, 705 | du primus inter pares, premier parmi ses pairs, qui coordonne l'action 706 | collective. Dans un groupe bien rodé, il arrive souvent qu'on ne le 707 | différencie des autres membres que lors de ses interventions 708 | administratives. 709 |
710 |711 | Rien n'empêche les personnes endossant ces différents rôles d'exprimer de 712 | fortes opinions sur les sujets traités, mais ils doivent prendre de la 713 | hauteur en temps voulu pour faire avancer le consensus. 714 |
715 |
716 | - Le public 717 |
-
718 |
719 | Le public intervient à tout moment. Les débats étant ouverts à tous, il est 720 | courant que les membres du groupe et ceux du public échangent directement 721 | sans que s’opèrent entre eux la moindre distinction. L'éditeur tient à jour 722 | en permanence le brouillon de la spécification, et le groupe publie à 723 | intervalles réguliers de nouvelles versions de travail. Ces publications 724 | permettent au groupe de signaler qu'il a progressé dans sa réflexion, et de 725 | solliciter des commentaires spécifiques de la part du public. Il arrive 726 | souvent que le groupe demande à d’autres groupes dans d'autres domaines de 727 | fournir leurs commentaires et d'assister au développement de certains 728 | aspects d'une norme, les compétences des groupes se chevauchant 729 | régulièrement. 730 |
731 |
732 |
L’élaboration du consensus en normalisation ouverte
736 |737 | Ce processus itératif aboutit à la création d’un document qui reflète le 738 | consensus du groupe et de sa communauté. Pour autant, le travail ne s’arrête pas 739 | là : il faut encore s'assurer que la spécification peut effectivement être 740 | utilisée et déployée dans la pratique. Une phase de test est alors amorcée. 741 | Cette expérience doit apporter la preuve que plusieurs personnes travaillant 742 | indépendamment peuvent, sans l'aide du groupe, appliquer la solution de façon 743 | cohérente et similaire. 744 |
745 |746 | Cette dernière étape franchie, un nouveau standard est né. Il est le fruit d'un 747 | accord autour d'une solution conventionnelle entre des acteurs que parfois tout 748 | oppose. 749 |
750 |751 | Parmi les participants, peuvent ainsi coexister les fournisseurs de solutions 752 | d’un même domaine, susceptibles de se livrer à une concurrence acharnée. 753 | Certains membres ont au contraire des besoins opposés : les fournisseurs 754 | souhaiteront produire à moindre coût, tandis que certains groupes d’utilisateurs 755 | attendront de la norme des fonctions spécifiques. Lorsque le processus de 756 | création est ouvert au plus grand nombre, il améliore les chances de consensus, 757 | en permettant l'intervention d'experts indépendants ou de simples utilisateurs 758 | éclairés, et élargit le champs du consensus à une plus ample communauté. 759 |
760 |761 | Le monde de la normalisation ouverte reste cependant imparfait. Ses modalités 762 | évoluent d'ailleurs régulièrement pour en améliorer les processus. Par ailleurs, 763 | il n’est pas intégralement transposable à la coproduction citoyenne. 764 |
765 |766 | S’ils permettent d’aboutir à des décisions consensuelles dans un cadre 767 | réellement ouvert, les organismes de normalisation se révèlent souvent 768 | difficiles d'accès. Leurs processus, qu'ils soient formellement codifiés ou 769 | issus de la lente accrétion de codes culturels informels, sont fréquemment 770 | perçus comme opaques par les nouveaux arrivants. Cette complexité peut rebuter 771 | le novice. Elle peut aussi avoir pour effet de donner un avantage indu aux 772 | participants expérimentés, en leur permettant de prendre l’ascendant au moyen 773 | d’argumentations plus formelles qu’utiles. Le contrôle de ces interventions 774 | nécessite du temps, ce qui ralenti le travail du groupe. 775 |
776 |Quels enseignements tirer de systèmes de coproduction existants ?
781 |782 | Les exemples précédents montrent que les systèmes de coproduction ouverte 783 | fonctionnent. Qu’il s’agisse de création de logiciels universellement utilisés, de 784 | la meilleure source encyclopédique disponible, ou de normes régissant 785 | l'infrastructure des technologies de l'Internet, ces procédés ont fait leurs 786 | preuves. Il s’agit dans ce chapitre de dégager les raisons de leur succès et, dans 787 | notre quête d’un système viable de coproduction citoyenne, de tirer les 788 | enseignements de cette réussite. 789 |
790 |Le rassemblement autour d’un projet commun
792 |793 | Ces systèmes nous apprennent tout d'abord que l'élément fondamental de la 794 | coproduction n'est pas le lien affinitaire, mais l'adhésion à un projet. Les 795 | réseaux sociaux se construisent sur la base de listes d'“amis”, qu'elles soient 796 | réciproques (Facebook) ou unidirectionnelles (Twitter). Si ces derniers peuvent, 797 | en fournissant un véhicule à la dissémination d’information et à la communication, 798 | favoriser une coordination des actions des partis et de la société civile bien 799 | plus efficace qu'auparavant, ils ne semblent pas adaptés à la coproduction : aucun 800 | réseau social n’a réalisé de coproduction d'envergure. Il apparaît au contraire 801 | que les systèmes de coproduction réussis sont éloignés par leur fonctionnement des 802 | réseaux sociaux. Ils se structurent davantage autour de projets (un composant 803 | logiciel, un article sur un sujet donné, une norme pour un domaine particulier) 804 | auxquels des volontaires vont décider de contribuer. Si, durant l'élaboration 805 | d'une proposition, il est fort probable que des liens se tissent entre 806 | participants, ceux-ci ne sont en rien nécessaires à son bon fonctionnement. Il 807 | n'est d’ailleurs pas rare que des collaborateurs ne se connaissent pas entre eux 808 | ou même qu'ils entretiennent de mauvaises relations en dehors du projet, sans pour 809 | autant que cela nuise à sa réussite. 810 |
811 |La légitimité des responsables
814 |815 | Un deuxième enseignement tient au mode de désignation des responsables. Les 816 | quelques membres de la communauté qui se voient confier un pouvoir tirent leur 817 | légitimité de leurs contributions. Qu’il s’agisse de modérer une discussion ou de 818 | trancher une dispute dont la durée menace l'émergence d'une solution, les 819 | personnes investies par le groupe de la responsabilité de sa bonne marche doivent 820 | être issues d'une méritocratie de participation reconnue de tous. Si ces 821 | responsables se révèlent partiaux ou incompétents, le groupe doit pouvoir les 822 | remplacer rapidement. 823 |
824 |La prise en compte des petites contributions
827 |828 | La facilité des “petites contributions” est essentielle. Les projets coproductifs 829 | fonctionnent souvent grâce au travail d'un petit nombre de participants très 830 | impliqués. Mais ceci ne doit pas occulter le fait qu'un volume important du 831 | travail est réalisé par un grand nombre de participants effectuant des 832 | contributions individuellement petites et isolées (allant jusqu’à la simple 833 | correction de quelques fautes d’orthographe) mais dont l'agrégat représente une 834 | participation majeure au projet. Cette ouverture à la contribution participe de la 835 | légitimité de la solution éventuellement adoptée. 836 |
837 |Le filtrage communautaire
840 |841 | En cas de nécessité, les communautés de contributeurs sont capables de mettre en 842 | place leur propre filtrage. Un projet rendu public attire inévitablement un 843 | certain nombre d’intervenants indésirables, qui nuisent volontairement au 844 | processus. L'expérience montre que les communautés sont à même lutter contre ses 845 | intrusions, soit en raisonnant les fauteurs de trouble, soit en les excluant des 846 | outils utilisés. 847 |
848 |La transparence
851 |
852 | Il est nécessaire que les contenus sont publics, le processus transparent et les
853 | discussions archivées. Pris ensemble, ces aspects permettent d'attirer de nouveaux
854 | contributeurs, de légitimer le fonctionnement du système, et de retracer
855 | l'évolution du consensus, autant d’éléments constitutifs de la confiance qu'ont
856 | les participants dans le système de coproduction. Pour reprendre Clay Shirky
857 | répondant à Juvénal, ce type d'approche s'attaque à une des questions les plus
858 | fondamentales de la philosophie politique : Qui garde les gardiens eux-mêmes ? La
859 | réponse est : tout le monde.
860 |
La simplicité
864 |865 | Tout projet de coproduction doit par ailleurs se fonder sur une éthique claire et 866 | cohérente. En Open Source, si chaque projet construit progressivement sa propre 867 | culture, il est entendu au départ que la production répondra aux exigences du 868 | logiciel libre. Au sein de Wikipedia, toute contribution est estimée à l'aulne de 869 | sa neutralité et de sa vérifiabilité. Quant aux groupes du W3C, ils répondent 870 | systématiquement aux impératifs d'accessibilité et d'internationalisation. Ces 871 | valeurs constituent un socle partagé, grâce auquel la communauté se développe et 872 | parvient au consensus. Elles favorisent également la mise en place d'une étiquette 873 | guidant les interactions entre des participants qui, souvent, ne se connaissent 874 | pas. 875 |
876 |Un cadre organisationnel léger
879 |880 | L'organisation de chaque projet doit être légère et fondée sur la confiance. Il 881 | est en effet essentiel que le processus soit simple et compréhensible de tous et 882 | qu’il structure à minima les discussions et l'élaboration du projet. S’il est trop 883 | lourd, il freinera le travail, rebutera les nouveaux participants et donnera trop 884 | de poids aux intervenants les plus anciens. À l'inverse, une approche légère lève 885 | les barrières à la participation, en particulier pour ceux qui ne souhaitent 886 | effectuer qu'une brève contribution, et contribue à la transparence du système. 887 |
888 |Des outils adaptés
891 |892 | Il est enfin nécessaire que les outils dont disposent les utilisateurs 893 | correspondent à la fois au mode de fonctionnement du système et aux spécificités 894 | du contenu. 895 |
896 |897 | Ainsi, le succès de Wikipedia ne découle pas uniquement du système d’édition 898 | collaborative que l’on nomme « wiki », de la seule possibilité pour les 899 | participants de modifier le contenu du site. D'autres solutions d'édition seraient 900 | envisageables. Ce succès s’explique autant par le processus d’élaboration du 901 | consensus qui l'entoure. Mettre en ligne un wiki sans comprendre le fonctionnement 902 | du reste du système et en s'attendant à un effet similaire, est une approche vouée 903 | à l'échec, tout autant qu’installer des isoloirs ne produira pas une démocratie, 904 | ou que distribuer des voitures n’écrira pas le code de la route. Avant de se 905 | précipiter sur une solution logicielle, quels que soient ses succès par ailleurs, 906 | il est donc important de réfléchir à la façon dont seront créés les contenus et 907 | aux méthodes qui seront employées pour parvenir élaborer le consensus au sein de 908 | chaque groupe de travail. 909 |
910 |Conclusion : Ébauche d'une application concrète au domaine politique
914 |915 | Une fois dégagés les principes de réussite de la coproduction, il s’agit d’esquisser 916 | les moyens de créer un système les mettant en œuvre concrètement. Nous proposerons 917 | ici l'ébauche d'une approche vouée à être affinée en collectivité, qui reprend les 918 | principes des trois systèmes décrits plus hauts et tente de les adapter au domaine 919 | politique. Notre proposition mêlera plus spécifiquement les modalités d’édition de 920 | contenu telle qu'utilisées sur Wikipedia et la structuration légère des groupes de 921 | travail pratiquée par les organismes de normalisation ouverte. 922 |
923 |Quels règles de fonctionnement ?
925 |926 | Le contrat de la coproduction citoyenne implique que chacun apporte ses 927 | observations et son expertise, de manière régulière ou ponctuelle, dans le but 928 | d'élaborer des propositions visant à améliorer la situation de tous. Ce processus 929 | de création est fondé sur la création progressive de consensus entre des 930 | intervenants se joignant librement à un débat collectif. 931 |
932 |933 | Il s'agit dans un premier temps d'énoncer un ensemble de règles de fonctionnement 934 | permettant la collaboration participative la plus large et la plus efficace 935 | possible. 936 |
937 |-
938 |
- 939 | Le contenu doit être produit sous licence ouverte, car étant produit 940 | collectivement, il doit pouvoir être réapproprié par chacun. La licence utilisée 941 | par Wikipedia, de type “Creative Commons” par attribution, se prêterait ainsi à 944 | la coproduction citoyenne. Elle autorise la réutilisation et la modification du 945 | contenu à toutes fins tant que son origine est citée et qu'il est redistribué 946 | selon des termes identiques. 947 | 948 |
- 949 | Le travail de production doit s'organiser sous la forme du rassemblement de 950 | plusieurs individus en groupes de travail, qui traiteront chacun de sujets 951 | clairement délimités. Il est à cette fin utile que la mise en place de ces 952 | chantiers soient coordonnés, afin éviter les doublons et les hors-sujet, et de 953 | maintenir la cohérence de l’ensemble. Si les initiateurs du projet devront 954 | remplir cet office au départ, le mécanisme de coordination devra à terme être 955 | confié aux plus méritants en devenant communautaire. 956 | 957 |
- 958 | Les groupes doivent opérer de façon indépendante les uns des autres. Il est 959 | notamment important qu’un individu ne s'intéressant qu'à un seul sujet puisse 960 | participer à un groupe sans se soucier du travail des autres, sans se sentir 961 | engagé dans un projet plus large. Il doit être clair que la participation à un 962 | groupe donné n’implique aucunement l'adhésion aux conclusions d'autres groupes. 963 | 964 |
- 965 | Chaque groupe doit compter parmi ses membres un ou plusieurs médiateurs. Ils ont 966 | pour fonction de faciliter le déroulement des discussions, de vérifier que les 967 | règles sont bien suivies, et de veiller à la courtoisie des échanges en 968 | intervenant si nécessaire pour résoudre les discussions les plus vives. A 969 | l’image des coordonateurs, les médiateurs doivent à terme émerger de la 970 | communauté. 971 | 972 |
- 973 | Des critères de qualité, simples mais systématiques, doivent régler 974 | l'élaboration des documents produits. Les propositions se doivent d'être 975 | techniques quand c'est nécessaire, chiffrées quand c'est possible et d’intégrer 976 | le principe de confrontation au réel. 977 | 978 |
Quels instruments pour la coproduction citoyenne ?
982 |983 | Les outils utilisés dans le cadre de la coproduction citoyenne doivent être 984 | adaptés à la tâche à accomplir ainsi qu’au processus dans lequel elle s'inscrit. 985 | Plutôt que de tenter de rédiger à priori un cahier des charges complet, nous 986 | préférons produire une simple liste des fonctions les plus basiques qui seront 987 | requises, et procéder par la suite à un affinage progressif répondant au besoins 988 | pratiques constatés lors de l'utilisation. 989 |
990 |991 | Les listes de discussion par email, disponibles au sein de chaque groupe, sont le 992 | principal moyen d'échange entre membres. Chaque contribution est archivée sur le 993 | site de l'organisation et publiquement disponible, ce qui permet à chacun de se 994 | référer à l'historique des discussions. Il est possible pour un groupe de faire 995 | appel à d'autres canaux de discussion, comme le « chat », qui permet la discussion 996 | en temps réel. Quand c’est le cas, l’ensemble des échanges qui y sont tenus doit 997 | aussi être archivés. Si une réunion en face à face est organisée, des notes 998 | doivent être prises sur son contenu et envoyées à la liste de discussion du 999 | groupe. 1000 |
1001 |1002 | Chaque groupe de travail a la possibilité de publier des documents traitant de son 1003 | domaine d'intervention. Un outillage est mis à sa disposition à cet effet, 1004 | permettant une édition collaborative, structurée, et conservant la trace de toutes 1005 | les modifications effectuées. Si une grande partie des caractéristiques des wikis 1006 | (édition simultanée à plusieurs, facilité de création de nouveaux documents, 1007 | historique des changements) doit être adoptée, il est possible de les rendre plus 1008 | conviviaux de sorte à ce que les utilisateurs habitués aux logiciels de traitement 1009 | de texte traditionnels puissent s'y adapter sans grande difficulté. Un système de 1010 | commentaires légèrement plus élaboré que celui qu’on trouve sur les blogs sera 1011 | ajouté à chacun de ces documents afin de permettre à tous les membres d'apposer 1012 | des annotations sur des parties spécifiques du contenu. Contrairement à Wikipedia, 1013 | il sera nécessaire de créer un compte sur le site de l'organisation afin d'accéder 1014 | aux fonctions d'édition et d'annotation. La création d'un tel compte sera bien 1015 | entendu ouverte à tous, et rendue rapide afin de minimiser l'effort nécessaire à 1016 | la rédaction d'un simple commentaire. 1017 |
1018 |1019 | Afin de donner un cadre au projet, une organisation hôte à but non-lucratif, doit 1020 | être établie. Elle pourra fonctionner avec un minimum de moyens : il s’agit 1021 | principalement d'assurer l'hébergement des outils qui permettent le 1022 | fonctionnement du système. Dans un premier temps, une association loi 1901 dotée 1023 | de quelques milliers d'euros peut suffire. Des volontaires compétents en 1024 | technologies Web peuvent s'y adjoindre, afin de mettre en place le minimum 1025 | d'outillage nécessaire au départ. Le rôle de l’organisation doit se limiter la 1026 | logistique possible et elle ne pourra en aucun cas intervenir directement dans le 1027 | travail des groupes. 1028 |
1029 |1030 | Dans le but d'assurer une évolution continuelle du projet et une qualité optimale 1031 | d'infrastructure, l'ensemble des logiciels utilisés par l’organisation doivent 1032 | être disponibles sous licence libre, probablement de type MIT, afin d’en 1036 | encourager une diffusion et une adaptation dénuées de contraintes. Ceci permettra 1037 | de s'appuyer sur les compétences des spécialistes en technologies Web pour 1038 | améliorer les outils et par extension le processus de production. 1039 |
1040 |1041 | En plus de l'outillage et des règles minimales organisant la vie des groupes de 1042 | travail, il est important que l'organisation se dote d'une documentation 1043 | exprimant de façon claire et cohérente les valeurs qui guident son action, et le 1044 | travail de ses groupes. Le projet doit affirmer son indépendance vis-à-vis des 1045 | contraintes partisanes, et sa vocation à produire des solutions concrètes, 1046 | fonctionnelles, efficaces et réalistes. 1047 |
1048 |1049 | La participation doit être ouverte à tous, sans discrimination aucune, tout en 1050 | gardant un moyen de fermer la porte à ceux qui cherchent délibérément à déranger 1051 | le fonctionnement du projet, ainsi qu'à ceux qui sont porteurs de propos haineux. 1052 | Le projet doit obéir à la règle du consensus, dont le principe est d’emporter la 1053 | conviction au travers de discussions raisonnées (contrairement au compromis qui 1054 | est avant tout un marchandage). Celle-ci doit être énoncée dans les termes les 1055 | plus simples. 1056 |
1057 |1058 | Une fois ces éléments mis en place et le processus lancé, ces règles, outils, et 1059 | modalités de fonctionnement pourront évoluer sous la responsabilité de la 1060 | communauté réunie autour du projet. 1061 |
1062 |1063 | Il n’est pas indispensable de démarrer avec un système complètement abouti. 1064 | Plutôt que de tout créer avant de tester son bon fonctionnement, il est 1065 | préférable de se confronter à la réalité au plus tôt. À cet effet, une 1066 | expérimentation à minima utilisant des outils et règles approximatifs sera 1067 | rapidement lancée. A ce stade, la communauté ne comptera qu’un à trois groupes 1068 | travaillant sur des sujets pouvant être traités dans un temps relativement court. 1069 | Ceci permettra de raffiner le processus avant de le généraliser. 1070 |
1071 |
1072 | Ce texte et les propositions qu’il contient doivent eux-mêmes évoluer. Les
1073 | lecteurs sont donc invités à contacter l’auteur pour lui faire part de leurs
1074 | commentaires, de la façon dont ils aimeraient voir un tel projet évoluer, et de
1075 | leurs propositions de sujets pour les groupes d'essai. Cet appel entendu, nous
1076 | laisserons le mot de conclusion à Clay Shirky : La révolution ne se produit pas
1077 | quand la société adopte de nouvelles technologies — elle se produit quand elle
1078 | adopte de nouveaux comportements.
1079 |